De la Forêt d'Ottrott au Mont Ste Odile

Les sols :

Du point de vue géologique nous avons surtout le grès vosgien surmonté du conglomérat principal (poudingue de Sainte Odile). En ce qui concerne leur aptitude à la pédogenèse ces roches sont caractérisées par une très grande pauvreté en argile, minéraux altérables, fer et bases. Ce sont donc des matériaux très fragiles, très propices aux processus de podzolisation, le peu d’argile et de feldspath initial est dégradé, le fer et l’aluminium sont complexés par la matière organique et sont entraînés en profondeur où ils précipitent. Suivant l’intensité des phénomènes on distingue plusieurs types de sols.

  • Le sol ocre podzolique où les complexes organo-ferriques et organo-alumineux commencent à précipiter dès en-dessous de l’humus. Celui-ci est assez massif avec quelques ébauches de construction très peu résistantes issues de déjections d’arthropodes : c’est un moder. Les horizons de précipitation sont : un horizon brun chocolat et massif de 5 à 10 cm d’épaisseur et un horizon rouille de structure floconneuse épais de 40 cm. Puis on passe à la roche mère.

  • Lorsque ces processus s’accentuent et que la précipitation des complexes organo-métalliques est différée et intervient plus en profondeur il se développe sous l’humus, cette fois-ci plus massif, un horizon A2, blanchi, appauvri en fer et alumine lors du passage des anions organiques solubles complexants ; lorsque cet A2 n’est pas complètement blanchi, on n’observe que rarement l’horizon brun chocolat au sommet du B. Ce stade est celui d’un sol podzolique.

Si l’horizon A2 est très blanchi, de consistance cendreuse avec à sa base un horizon brun chocolat de 5 cm d’épaisseur ion a un podzol ferrugineux.

Notons que ce sont surtout les sols ocres podzoliques et les podzols que l’on rencontre dans la région. D’autre par sur ces substrats très fragiles l’enrésinement intensif par l’homme accentue les processus de podzolisation notamment avec le pin sylvestre sous lesquels l’horizon A2 peut atteindre 50 cm. Ceci est très néfaste car A2 s’épaissit et B a tendance à durcir (alios ferrugineux) peu pénétrable par les racines en profondeur. Le terrain devient peu à peu stérile ou presque, surtout si la callune s’y est installé.

Remarque : Certains endroits peuvent échapper au phénomène de podzolisation, on a alors un sol brun forestier.

La végétation :

Suivant l’orientation et l’altitude nous rencontrons des peuplements de physionomie différente, cependant on peut très grossièrement distinguer, lors de la montée : à la base une forêt de feuillus, forêt de transition, puis la sapinière à hêtres, la hêtraie sapinière et épicéas, enfin au sommet pins et hêtres.

La forêt de feuillus :

Il s’agit d’un peuplement mixte où nous trouvons le chêne sessile associé à de nombreuses espèces : des sorbiers (Sorbus aria, S. torminalis), érables champêtres (Acer campestre) Charme (Carpinus betulus) parfois du bouleau et du tremble (en zones humides). Puis petit à petit on voit apparaître le hêtre qui devient de plus en plus important au fur et à mesure que l’on monte, apparaît aussi le sapin. Notons aussi la présence de pins introduits par l’homme et qui à certains endroits transforment la forêt de feuillus en pineraie…
Ainsi cette forêt fait peu à peu transition avec la sapinière à hêtres. Le sol est du type brun forestier.

La sapinière à hêtres et la hêtraie sapinière :

Cette forêt est essentiellement formée d’un mélange variable de sapins et de hêtres. Ces deux espèces ont des exigences climatiques très voisines ; aux altitudes moyennes le sapin paraît cependant plus compétitif que le hêtre qui préfère l’atmosphère plus humide qu’il trouve plus haut, cela dépend aussi du microclimat.
Bien sûr, à ces deux espèces, peuvent s’en ajouter d’autres : les bords immédiats des ruisseaux sont souvent garnis d’aunes (Alnus glutinosa) de frênes (Fraxinus excelsior) d’érables planes (Acer platanoïdes)…
La couverture des grands arbres ne laisse filtrer que peu de lumière et la strate arbustive se limite aux lisières et aux clairières ; elle est formée de noisetiers (Corylus avellana), de framboisiers (Rubus idaeus) de sorbiers, de sureau à grappes (Sambucus racemosus)…

La strate herbacée est en général assez pauvre, variable suivant les niveaux et les expositions, elle permet de distinguer différentes associations on peut trouver la callune (Calluna vulgaris) la myrtille (Vaccinium myrtillus) la canche flexueuse (Deschampsia flexuosa) l’aspérule (Asperula odorata), la fougère mâle (Polystichum filix-mas)…

Ce sont les herbacées qui permettent de caractériser les sapinières à hêtres et les sapinières à hêtres et épicéas ; ainsi on distingue :

a) Type à mercuriale :
Avec Mercurialis perennis, Paris quadrifolia, Geranium robertianum, Ajuga reptans
Mull actif, sol de type brun forestier. Sapinière riche en hêtres ; exposition fraîche mais sol bien drainé. Forte production forestière mais type très localisé et rare.

b) Type à aspérule et fétuque des bois :
Avec Asperula odorata, Festuca silvatica, Carex silvatica, Milium effusum, Oxalis acetosella
Mull typique, proportion de hêtres encore importante c’est le type classique des versants Nord, frais, bien drainés. Forte production 10m3/ha/an, régénération naturelle souvent difficile.

c) Type à fougères (mâle ou femelle) :
Avec Polystichum filix-mas, Athyrium filix femina, Polystichum spinulosum, Oxalis acetosella, Epilobium montanum
Mull peu actif, transition vers les types plus acides. Sapinière dense sur versants Nord. Production moyenne.

d) Type à luzule blanchâtre ou à canche flexueuse :
Ces deux espèces peuvent être soit mélangées, soit former des tapis presque exclusifs et on peut alors distinguer :
- un sous-type à luzules (Luzula albida)
- un sous-type à canches (Deschampsia flexuosa)
Peu d’autres espèces dans ces deux sous-types : Milium effusum, Vaccinium myrtillus, Melampyrum pratense, Digitalis purpurea
Moder (plus acide dans le sous-type à canches, stations des versants Sud et Sud-Ouest, vastes surfaces, production de 6 à 8 m3/ha/an . Régénération assez facile.

e) Type à myrtilles :
Avec Vaccinium myrtillus, Leucobryum glaucumCalluna vulgaris (si beaucoup de lumière)
Mor typique. Versants Sud et Sud-Ouest ou plateaux à sol superficiel. Rendement 5 m3/ha/an ou moins.

Au sommet une Pineraie à Hêtres :

A ce niveau l’homme a pratiquement remplacé sapins et épicéas par des pins. Au sol, Vaccinium myrtillus, par endroits Calluna vulgaris

Remarque : depuis 1870, les Vosges ont été progressivement enrésinées avec des épicéas et plus localement avec des pins. Si pour cette dernière espèce ce n’était guère qu’un extension, il s’agissait dans le cas de l’épicéa d’un recouvrement massif d’une grande partie des Vosges gréseuses et granitiques et le sapin au sens strict (Abies alba) est devenu relativement rare. On a même un nouveau type d’association où le sapin assez rare se retrouve avec l’épicéa, le hêtre étant pratiquement exclu.